X est une vieille amie du maire de Bergen ; elle est d’ailleurs une figure reconnue dans le paysage médiatique norvégien. Elle a notamment été saluée pour son engagement écologique. Elle est invitée sur des plateaux télévisés pour en parler, interpelle les élus. Sa voix compte, même si elle ne s’est jamais véritablement engagée sur le plan politique. Quand elle a entendu parler du projet de Fredelig, elle a été l’une des toutes premières à s’y opposer. Selon elle, la création d’une nouvelle ville en si peu de temps allait provoquer des dégâts irréparables sur les paysages, la faune et la flore environnantes.

Elle a bien tenté de s’y opposer de tout son être, elle a fait signer des pétitions, en vain. Et aujourd’hui, tout le monde semble être ravi de cette nouvelle ville, et du dynamisme qu’elle semble apporter au voisinage. Eh bien, pas elle. Elle voit d’un mauvais œil ces arrivées des quatre coins du globe : selon elles, la pollution et les dégradations vont surgir à un moment ou à un autre. Venue d’un autre siècle, elle a aussi du mal à comprendre le concept de féminisme, et reste braquée dans de vieilles idées. Qui plus est, elle a l’impression que c’est de l’amateurisme total, avec une maire trop jeune, et qui n’a jamais fait ça de sa vie, elle a l’impression que tout va courir bien vite à la catastrophe, et qui va payer les pots cassés ? La planète, évidemment.

X est professeur en sociologie à l’université de Fredelig. Vous le trouvez arrogant ? Parfait, parce qu'il l'est. Enfin, on vous rassure : seulement avec les personnes qu'il n'apprécie pas. Selon lui, ça lui donne assez de crédit pour les ennuyer davantage, et ça l'amuse. Sinon, x est peut-être un peu dur à cerner, mais une fois que vous êtes dans ses petits papiers, c'est un nounours protecteur, peut-être un peu trop, dont il vous sera difficile de vous séparer. Sarcastique, taquin et très joueur, il aime bien chercher la petite bête chez les autres pour voir ce qu'ils ont dans le ventre. C'est sa manière à lui de voir si vous êtes quelqu'un d'intéressant, ou non. En général, il le fait aussi avec ses étudiants, histoire de vérifier s'ils ont du répondant. Dieu sait qu'il en faut pour affronter un monde de fous comme le nôtre.

Disons qu’il s’est aussi assagi depuis qu’il a été lui-même forcé de grandir d’un coup, en devenant soudain responsable de Kaitlyn, sa filleule. Il a hérité de sa garde totale suite au décès tragique des parents de la petite, il y a quelques mois. Peter a eu du mal à gérer le décès de sa plus jeune sœur, mais Kaitlyn lui ressemble beaucoup, autant physiquement que dans son attitude, alors ça le console un peu. Peter n'a pas hésité une seconde avant d'accepter de prendre Kaitlyn sous son aile. Hors de question de la laisser auprès d'étrangers ou de la voir traîner de foyer en foyer en attendant sa majorité. Professeur de sociologie à l'université de Seattle, il prévoyait déjà sa mutation à l'université de Fredelig dès qu'il a eu vent du projet. Il a alors eu l'idée d'emmener avec lui Kaitlyn, histoire de lui donner aussi la chance d'un nouveau départ.

Qui plus est, Kaitlyn est une jeune surdouée : elle a obtenu l'équivalent du baccalauréat à seulement 14 ans. Une occasion pour X de l'emmener avec lui pour voir si l'herbe est plus verte ailleurs, dans une université différente des établissements américains, lui offrir une nouvelle vie et tenter de panser ses plaies, loin des terres familiales. Néanmoins, Kaitlyn est en pleine crise d'adolescence, et la perte de ses parents n'arrange rien. Peter s'était juré de ne jamais avoir d'enfant, et il se retrouve perdu quand son adolescente est trop silencieuse, ou alors, quand elle devient une véritable furie. Néamoins, il n'est pas prêt de l'abandonner et il est résolu à l'aider à traverser cette épreuve. Ils le feront ensemble.

Passionnée de droit depuis toujours, elle a travaillé très dur pour pouvoir un jour exercer. Elle a d'abord été avocate avant de se reconvertir en tant que professeure. Aujourd'hui encore, le jour où elle a revêtu sa robe pour la première fois reste le plus beau jour de sa vie. Douce, elle ne s'énerve presque jamais : elle estime que crier est une perte de temps, elle préfère de loin les explications, comme n'importe quel individu civilisé. Bien sûr, elle reste malgré tout humaine, alors quand elle ne parvient plus à supporter une situation qui lui déplaît, elle peut exploser d'un coup, comme une cocotte-minute, et en général, il vaut mieux se pousser de là avant de subir ses foudres.

Durant toute sa vie, elle a pris le droit des femmes à cœur. Elle les a défendues au cours d’affaires de violences familiales, conjugales, ou de tout type de violences sexuelles. Alors, quand elle a entendu qu’un tel projet comme celui de Fredelig allait voir le jour, elle a décidé de boucler ses valises pour s’y rendre. Toutes ses convictions réunies en en un seul et même endroit dans le monde : ça aurait été une folie de refuser ou de passer à côté.

Quant à l’un de ses collègues, ce cher professeur en sociologie, elle a été chargée de lui faire la visite de l'université de Fredelig, et elle a eu l'occasion de découvrir quel était ce personnage venu lui aussi tout droit de son Amérique natale. Elle trouve qu'il peut être agaçant quand il s'y met, mais elle est assez intelligente pour comprendre qu'il le fait exprès, et qu'il ne pense pas la moitié de ce qu'il vous dit quand il cherche à vous taquiner. Elle entre parfois dans son jeu, elle l'envoie parfois se faire voir, c'est selon son humeur du jour. En tout cas, elle pense qu'avoir un collègue comme lui peut être un sacré avantage : au moins, elle ne risque pas de s'ennuyer, et ses blagues nulles pourront sans doute la détendre si elle passe une mauvaise journée.

X est originaire de Bergen ; il était l’heureux père d’une jeune adolescente droite dans ses bottes et sûre de ses convictions, malgré son jeune âge. Elle est malheureusement décédée sous les coups de son compagnon de l’époque, il y a quelques années – un garçon qui a été jugé et condamné à de la prison. Une maigre consolation, qui ne pourra jamais réparer la douleur de perdre un enfant. Depuis cet événement traumatisant, X et sa femme se sont engagés pour le droit des femmes ; ils ont même créé une association, qui défend et protège les femmes battues. Ils se battent pour que chaque cas soit porté devant la justice.

Quand le projet de Fredelig a été annoncé puis concrétisé, ils ont vu ça d’un bon œil, évidemment. Leur association encourage d’ailleurs les divers commerçants à se montrer solidaires de ces jeunes et à les encourager à faire prospérer cette nouvelle ville, pleine de promesses.

X habite Bergen depuis toujours. Macho dans l’âme, et sexiste à souhait, il se fiche bien des progrès de la société ou des quelconques prises de conscience dont chacun se targue. Selon lui, une femme n’est pas l’égale de l’homme et ne peut l’être : son rôle est uniquement de porter la vie et d’assurer l’éducation des enfants. Travailler ? Hors de question, selon lui, il n’y a que l’homme qui peut travailler et subvenir au besoin de sa famille pour leur offrir de beaux jours.

Alors, quand X a entendu parler de Fredelig, il a d’abord éclaté d’un rire franc. Il y traîne de temps en temps, et il ne manque jamais de dire tout haut qu’un tel projet est loin d’être réaliste. C’est simple : il lui donne à peine six mois pour survivre. Il a hâte de voir Fredelig accuser son échec et être rasée. Pour lui, ce sera l’occasion d’acheter un plus grand terrain à Bergen et de s’offrir un vrai palace.